L'oeuvre de Fedor Mikhalovitch Dostoevski hante la conscience europenne et mondiale depuis un sicle et demi (Nietzsche, Proust, Kafka, Nabokov, Berdiaev, Chestov, Soljnitsyne, Sarraute, Sollers, Visconti, Bresson, Kurosawa, Wajda et bien d'autres) et continue fasciner le marketing hyperconnect (16 versions en chinois de Crime et Chtiment). Le livre de Julia Kristeva dvoile la surprenante actualit du " grand Russe " , gnie aussi tourment que prophtique. " Partout et en toutes choses, je vivais jusqu' l'ultime limite, et j'ai pass ma vie la franchir " , crit-il son ami le pote A. Makov en 1867. Il l'a fait, port par sa foi orthodoxe dans le Verbe incarn, en rinventant ce pari sur la puissance de la parole et du rcit qu'est le romanpolyphonique : pour braver le nihilisme et son double, l'intgrisme, qui gangrnent le monde sans Dieu et avec lui. Ses personnages extravagants, oscillant entre monstruosit pathtique et insignifiance d' " insectes " , pressentaient dj la matrice carcrale de l'univers totalitaire qui se rvla dans la Shoah et le Goulag, et qui menace aujourd'hui par l'omniprsence de la technique. Vibrante osmose et vigilance tonique, l'oratorio de Julia Kristeva dcrypte un Dostoevski total et neuf, galvanis par le langage. L'homme et l'oeuvre s'introduisent dans le troisime millnaire, o, enfin, " tout est permis " . Et les anxits des internautes rejoignent les sous-sols des dmons dostoevskiens. Essayiste, romancire, psychanalyste, Julia Kristeva, docteur honoriscausa de nombreuses universits, dont l'oeuvre est traduite dans beaucoup de pays - et intgralement aux Etats-Unis - a reu en 2004 le prix Holberg, quivalent du Nobel pour les sciences humaines. |