On dicte un texte ou un discours, non un affect. Tout le problème est là : comment et pourquoi substituer des paroles à un mouvement intérieur ? C'est une question majeure de la psychanalyse. Mais ici, on projettera ce thème dans un passé lointain, ce qui a l avantage de donner de la distance et des matériaux à la réflexion. Le v u permet de formuler trois questions capitales des sociétés de l Occident médiéval. Le v u, comme fanion des moines ou des clercs, s articule à deux de ces questions : 1) quelque chose comme une classe sacerdotale peut-elle et doit-elle se constituer à part des sociétés? 2) Doit-on accepter, combattre ou favoriser des différentiations dans l Église ? Devra-telle constituer une union forte, une fédération ou confédération ? On reconnaît là des interrogations essentielles aux Réformes. Le v u de croisade, à partir de la fin du XIe siècle, lance la troisième question majeure : une entreprise religieuse commune doit-elle être prioritaire par rapport aux exigences individuelles ou nationales ? Le XIIIe siècle est le temps de débats violents sur le v u, notamment autour de l ordre franciscain (chapitre VI) et par ailleurs la pensée scolastique a offert la première théorie élaborée du v u, que l auteur présente au chapitre IV. Il a aussi fourni la première réflexion juridique systématique (chapitre III), étendue à des usages sociaux (chapitre V). Il fallait donc en voir le cadre général (chapitre I) et les débuts théologiques difficiles (chapitre II). La controverse sur le v u se poursuivit pendant des décennies, avec des épisodes violents, mais la raison scolastique tint bon, jusqu au coup de force de Martin Luther (1483-1546), qui supprima les v ux avec le monachisme (postface Philippe Büttgen). Mais, tandis que la pensée jésuite réagissait avec force, les réformés trouvèrent d autres formes de l engagement volontaire et rencontrèrent la même aporie entre l individu et la communauté. |