Plusieurs années après la naissance de la «bioéthique», il est possible d'en reconstruire l'évolution historique et conceptuelle. Face aux nouvelles conquêtes de la biologie et de la science (la découverte du DNA recombinant, la possibilité de modifier le patrimoine génétique, le projet de séquentialisation du génome humain, l'expérimentation et le développement des méthodes contraceptives, contragestives et interceptives, l'«explosion» de la procréatique), les médecins et les expérimentateurs eux-mêmes ont rapidement ressenti la nécessité de s'interroger sur leur propre agir, cherchant à poser les limites au delà desquelles il ne semblait pas licite de pousser la recherche et, avant tout, les applications que les connaissances acquises pouvaient permettre : «Le biologiste et le médecin, écrit Serres, indiquant de façon concrète l'avènement inéluctable d'une réflexion éthique dans le champ biomédical, deviennent moralistes à partir du moment où connaître équivaut à choisir.»